Quelle a été la genèse du Programme "éducation et numérique" ?
L’implication d’Inria dans le domaine de l’éducation n’est pas récente. Elle repose sur trois jalons : (i) la recherche, avec plusieurs équipes-projets qui travaillent sur les différents défis de l’éducation (FLOWERS, WIMMICS, MNEMOSYNE, POTIOC, SCOOL…), (ii) l’innovation, au travers des différents liens que l’institut entretient avec les entreprises du secteur et la création de startups, et (iii) la formation, avec Inria Learning Lab et Inria Academy. Dans cette dernière partie, notre réseau de médiation scientifique fait également, depuis plusieurs années, un travail important auprès des académies et des classes.
Le livre blanc d’Inria "Éducation et Numérique : Enjeux et Défis" est le socle qui a permis de structurer l’opinion d’Inria et de donner un guide d’actions face aux enjeux et défis.
C’est pourquoi le gouvernement a confié le copilotage à Inria avec AMU et le CNRS, du PEPR (Programme d’équipements prioritaire pour la recherche) de la Stratégie d’accélération "Enseignement et numérique".
Quel est l’objectif du programme "éducation et numérique" ?
Le programme "éducation et numérique" au sein d’Inria a été créé pour accompagner le développement de cet écosystème en organisant et en structurant l’existant et les projets futurs afin de répondre au mieux aux grands défis de l’éducation au et par le numérique. Ce programme est aussi en lien avec l’engagement de l’institut dans le dialogue sciences, technologies et société. C’est autour de ce dialogue et d’une meilleure compréhension des sciences et du fonctionnement de ces technologies que nous pourrons coconstruire, avec toutes les parties prenantes de l’éducation à la formation tout au long de la vie sans oublier les parents, une société numérique de la confiance autour du numérique, de l’éducation et de la formation.
Pour atteindre cet objectif, notre rôle premier sera de créer les conditions de sa mise en œuvre. Les projets autour de l’éducation et du numérique se multiplient, mais il n’existe pas, à ce jour, de réelle communauté interne structurée autour de ces sujets. C’est à nous d’organiser cela, d’installer et de structurer une transversalité entre la recherche et l’innovation avec l’appui de la Fondation Inria et de la médiation, pour bénéficier des savoirs de chacun et chacune et relever ensemble les défis du secteur, qu’ils soient liés à la maitrise des compétences techniques, au développement de la pensée critique, à la confiance numérique, ou à la souveraineté numérique.
Quels sont, justement, les grands défis actuels de l’éducation au et par le numérique ?
Le premier défi est de ne pas confondre l’éducation, la formation au numérique et l’éducation par le numérique.
Dans le premier cas, il faut donner les clés à chacun et chacune pour comprendre les mutations technologiques, sociétales, environnementales liées au numérique, éveiller à la pensée critique, aux débats et développer les compétences transversales qui vont permettre de s’adapter et de se former tout au long de la vie.
Dans le second cas, on va se pencher sur les modalités de formation, de pratiques pédagogiques, la personnalisation des apprentissages, rendues possible avec le numérique pour répondre aux besoins d’adaptation pour chaque apprenant et apprenante en tenant compte de son environnement, de ses forces et de ses difficultés tout en accompagnant les enseignants dans l’évolution de leur rôle.
D’ailleurs, la complémentarité des deux favorise plus de mixité dans les cursus et les métiers du numérique, qui est un défi majeur dans un monde qui se transforme avec le numérique. Le programme "éducation et numérique" inclut aussi des actions en faveur de la féminisation de ces métiers.
Aujourd’hui, la continuité pédagogique a fait apparaitre de manière encore plus criante les inégalités existantes face à l’adoption du numérique et la capacité à apprendre de tous et toutes. Une inégalité qui concerne également les parents, et leur la capacité à accompagner les enfants dans leur travail. Certains parents sont armés pour le faire, et d’autres ne le sont pas. Un autre défi est donc de réduire les inégalités en mettant en œuvre des solutions d’apprentissage de plus en plus personnalisées grâce à l’IA et aux données que nous pourrons partager (exemple : ressources KidLearn ou Adaptiv Math qui sont issues des équipes de recherche et de l’Edtech), aux neurosciences et aux sciences cognitives notamment ; il nous faut renforcer les collaborations entre sciences du numérique, sciences de l’éducation et sciences humaines et sociales.
Autre défi : l’importance de repenser les modalités d’enseignement dans un contexte où l’hybridation se développe. Aujourd’hui, les outils existants ont été créés pour accompagner un enseignement en présentiel. Il est nécessaire de repenser nos outils par rapport à l’évolution de l’enseignement et du rôle de l’enseignant en développant des outils d’aide à la prise de décisions, au pilotage et en favorisant le transfert de la recherche vers les entreprises de l’Edtech pour développer ces services.
Enfin, la formation au numérique est un réel enjeu pour les acteurs et actrices du secteur. Il faut donner aux apprenants les clés de compréhension et de fonctionnement des outils numériques. Cela passe d’abord par les enseignants, qui doivent pouvoir s’emparer du sujet en étant correctement et suffisamment formés avant de pouvoir le transmettre dans toutes ses dimensions, aux élèves.
Concrètement, comment cet engagement va-t-il se formaliser, à l’échelle nationale comme internationale ?
Nous avons plusieurs projets structurants issus du PEPR sur lesquels nous avons des objectifs aujourd’hui bien définis. Le premier, Candyce (CArnets Numériques DYnamiques, Interactifs et collaboratifs pour l'Enseignement), est une infrastructure logicielle basée sur Jupyter Notebook, qui offrira la possibilité de construire des plates-formes spécifiques du primaire au supérieur pour enseigner le numérique et par le numérique dans toutes les disciplines. L’enjeu derrière cette infrastructure est stratégique, puisque l’on soutient le développement d’une infrastructure souveraine et open source et d’un écosystème associé, que notre ambition est de pousser au niveau européen.
Un autre projet est la réalisation de la plate-forme des données de l’éducation, dans le but de rendre partageables, interopérables, et échangeables les données autour des traces d’apprentissage ou de la vie scolaire dans l’éducation. Toutes ces données doivent nous permettre d’une part d’alimenter la recherche, le pilotage de l’éducation, et d’autre part de faire le lien avec l’industrie qui a besoin de jeux de données pour développer de nouveaux services plus adaptés aux besoins de chaque apprenant et apprenante.
Parallèlement, nous nous sommes investis dans la stratégie européenne GAIA-X et notamment dans le Data Space Education and Skills (DaSES), qui vise à faire émerger un écosystème européen de la donnée d’éducation et des compétences, et qui rassemble les acteurs privés, publics comme la direction du numérique pour l’éducation du ministère de l’Éducation nationale, et institutionnels du secteur dans le but de favoriser ces échanges de données.
Nous travaillons également sur une stratégie d’accélération de l’innovation, qui s’appuiera sur des appels à manifestations d’intérêt, des appels à projets exploratoires, le tout en lien avec des entreprises de l’EdTech et des équipes de recherche pour contribuer à l’enrichissement des ressources et des services utiles aux enseignants, aux chefs d’établissements, aux académies et à la recherche.
Nous disposons enfin de plusieurs projets multipartenaires, à l’image de "1 scientifique/1 classe : Chiche !", dont l’enjeu va désormais être de passer de la phase d’expérimentation à la phase de déploiement nationale. Dans les propositions du livre blanc Éducation et Numérique, nous avons identifié l’importance du projet d’université citoyenne et populaire du numérique qui est un projet auquel nous tenons également beaucoup, puisqu’il va permettre de créer un espace de formation, de partage et de réflexion collective autour de sujets comme l’éducation pour et par le numérique, qui proposera découverte et formation à la pensée informatique tout au long de la vie.
Nous allons, aussi, renforcer notre participation à des projets européens tant sur les compétences numériques que sur les infrastructures souveraines.
Pour accompagner les dispositifs existants, et ceux à venir, il faut enfin penser à un fonctionnement à 360 degrés. Nous ne pourrons y arriver que si nous travaillons en mode partenarial avec l’ensemble des acteurs et actrices impliqués sur ce sujet : ministères, académies, associations, entreprises de l’EdTech, collectivités territoriales, mais également parents d’élèves.
La direction du numérique pour l’éducation du ministère de l’Éducation nationale, un partenaire privilégié d’Inria dans le développement de l’éducation pour et par le numérique
Inria travaille aujourd’hui main dans la main avec la direction du numérique pour l’éducation du ministère de l’Éducation nationale, avec laquelle il est engagé sur plusieurs projets et productions comme Chiche, Candyce, la plate-forme des données de l’éducation et les MOOC avec notre partenaire Class’Code. Ces synergies vont encore être amenées à se renforcer puisque l’institut prévoit de travailler de manière encore plus rapprochée avec les enseignants, les cadres et les opérateurs du ministère (Canopée, Onisep, etc.).