Changed on 10/07/2025

Vivatech, qui vient de clore son édition 2025, est-il une vitrine ou un catalyseur pour Inria ?
Les deux ! Chaque année, Inria tient un stand au sein de Vivatech. Bien sûr, c’est d’abord une vitrine indispensable, car, en moins de dix ans, Vivatech est devenu un des grands lieux internationaux de rassemblement de la "Tech", c’est-à-dire cet écosystème d’entreprises innovantes, d’entrepreneurs, de startups, d’investisseurs et d’acteurs de la recherche dans le numérique comme Inria. Au-delà de notre ancrage dans le monde académique, c’est notre écosystème et nous sommes donc présents.
Notre participation est évidemment l’occasion de mettre en valeur notre engagement à soutenir l’entrepreneuriat technologique issu de la recherche publique, avec Inria Startup Studio, qui connaît une magnifique dynamique depuis sa création en 2019. Mais au-delà de cet engagement, ce sont surtout les femmes et les hommes qui portent ces projets que nous voulons mettre à l’honneur : 28 projets accompagnés par le Startup Studio ont ainsi été présentés sur notre stand mais aussi sur ceux de nos partenaires, des universités et aussi le stand franco-allemand, car c’est bien une dynamique collective.
Inria a également été très actif avec l’organisation de plusieurs événements, notamment des tables rondes : une consacrée à l’entrepreneuriat technologique et au partage d’expérience d’entrepreneurs et d’investisseurs, une autre dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’IA, avec les IA clusters, pour parler de l’attractivité de la France - avec la participation du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste, ainsi qu’un événement autour du centre binational franco-chilien sur l’IA, évidemment avec Inria Chile.
Ces événements sont surtout l’occasion de porter des messages : sur l’entrepreneuriat technologique, notre conviction, sur laquelle nous avons construit Inria Startup Studio, est que les femmes et les hommes sont plus importants que les technologies. Il reste beaucoup à faire autour de nous pour que cette conviction soit partagée et qu’on en tire toutes les conséquences.
En ce sens, Vivatech est bien un catalyseur pour nous : pour interagir avec notre écosystème, pour faire passer des messages et aussi pour accélérer sur nos partenariats.
Pourquoi signer des partenariats avec des startups du quantique ?
C’est une bonne question car souvent, cela peut être contre-intuitif, signer un partenariat entre une startup et un acteur de la recherche, dans notre domaine, n’est pas une bonne idée. Il y a en effet le risque de "défocaliser la startup", à un moment où son enjeu n’est pas de faire plus de recherche mais parfois de moins en faire pour devenir une vraie entreprise !
Mais, dans le quantique, la donne est différente : la France a plusieurs belles startups quantiques et les verrous scientifiques et technologiques sont beaucoup plus importants que dans d’autres domaines. Ces partenariats entre recherche publique et quantique sont vraiment indispensables pour avancer quand on se rapproche de sujets difficiles, d’où qu’ils viennent.
Inria avait déjà un partenariat avec Alice et Bob, dont le cofondateur, Théau Peronnin a fait d’ailleurs l’exposé introductif de l’événement sur l’entrepreneuriat que j’évoquais, c’était passionnant. Les partenariats avec Quandela et Quobly sont logiques et s’inscrivent aussi dans la stratégie nationale pour le quantique : à travers le Programme Quantique, que dirige Neil Abroug au sein de l’Agence de programmes dans le numérique, le rôle d’Inria est de renforcer notre écosystème logiciel, pour accompagner, à la place qui est la nôtre, le développement industriel de ces startups. C’est ce que nous faisons avec ces deux partenariats.
Nous allons nous éloigner du quantique et faire un grand écart : quel est le sens du partenariat avec le CETIM ?
Notre responsabilité est de tout faire pour avoir un impact sur notre tissu industriel : cela vaut pour les startups du quantique comme pour les PME et ETI pour lesquelles avoir un accès au front de science et de technologie dans le numérique peut parfois changer la donne.
Le vrai enjeu est de trouver des outils efficaces : tout le monde comprend bien que travailler avec les six startups françaises du quantique, ancrées dès leur création dans la recherche publique, ce n’est pas pareil que travailler avec des PME et ETI qui, parfois, n’ont pas de département de R&D.
C’est pour cela que nous travaillons avec le CETIM, qui est le Centre technique d’une filière qui représente plus de 600 000 personnes, avec des entreprises sous-traitantes de nos grands manufacturiers, dans l’automobile ou l’aéronautique par exemple. Les entreprises de cette filière ont des enjeux majeurs de montée en gamme par le numérique, avec l’arrivée de l’IA, avec la démocratisation des jumeaux numériques aussi : et tout va très vite car leurs concurrents, notamment chinois, maitrisent de plus en plus le numérique.
Le meilleur moyen de toucher ces entreprises, très loin d’Inria, est de passer par leur Centre technique, le CETIM.
Nous avons beaucoup à apprendre pour savoir ce qui va marcher, ce qui va avoir un vrai impact : mais je suis convaincu, par expérience, que le fait même de monter un partenariat, de montrer que nous sommes intéressés par cette filière, de passer du temps avec ces acteurs (et c’est le travail de notre Direction générale déléguée à l’innovation), de comprendre leur besoin, va permettre d’accélérer. Surtout, elle va permettre de faire se rencontrer ces entreprises et des collègues, souvent jeunes, et donner des envies de partenariat et parfois de mobilité. C’est comme pour l’entrepreneuriat, le seul bon vecteur sera au bout du bout la mobilité des compétences. Et cela vaut aussi pour l’accueil dans certains de nos projets, cela n’a évidemment de sens que pour certains, de personnes en provenance d’entreprises. C’est la finalité d’Inria Fellow, qui pourra être un dispositif à mobiliser dans ce cadre.
Les acteurs de la Défense étaient très présents à Vivatech. Qu'apporte Inria à ce secteur ?
Nous avons créé Inria Défense en 2020 pour renforcer notre appui au ministère des Armées, ce qui concerne potentiellement tous nos domaines de recherche et toutes les technologies que nous développons. Depuis cinq ans, plus de 70 projets ont ainsi été montés avec des acteurs très différents du secteur de la Défense : j’y inclus aussi les industriels de ce que l’on appelle en France la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) ; je pense aussi à l’un de nos partenaires industriels stratégiques comme Naval Group.
Nul besoin de faire un dessin pour remettre en perspective cette stratégie de long terme dans le paysage géopolitique qui est désormais le nôtre.
L’Agence ministérielle pour l’IA de Défense, l’AMIAD, est un nouvel acteur dans ce paysage que le ministère des Armées vient de créer pour accélérer sur l’IA. Son déploiement va répondre aux enjeux d’infrastructures souveraines de calcul aussi. Le partenariat signé avec l’AMIAD va nous permettre de travailler en cohérence : là aussi, nous n’en sommes qu’au début, et il était important de se jeter à l’eau rapidement pour travailler ensemble, apprendre des projets que nous allons monter et faire évoluer nos modes de travail si besoin.
Cette année encore, Inria était encore très présent sur le stand franco-allemand. Pourquoi ?
Cela fait plusieurs années que nous sommes présents sur le stand franco-allemand. C’est cohérent avec la priorité qui est donnée au renforcement d’un partenariat stratégique entre la France et l’Allemagne sur l’IA. Je suis convaincu que tout va s’accélérer, étant donné le contexte géopolitique et européen.
Inria l’a anticipé avec notre partenariat depuis 2020 avec le DFKI, qui coordonne cette année les Centres d’excellence allemands en IA. Ce partenariat est stratégique et s’est doté des outils pour l’être : une gouvernance au plus haut niveau, des priorités, une usine à projets qui fonctionne, un rayonnement de notre partenariat vers le transfert (nous avons signé l’année dernière un accord entre Inria Startup Studio, un incubateur de la Sarre et le DFKI, et un premier projet vient de sortir) et surtout l’Europe, où Inria et le DFKI sont engagés, ensemble dans de nombreuses initiatives conjointes. C’est un vrai socle pour un Centre binational franco-allemand sur l’IA, en l’ouvrant à nos partenaires, je pense bien entendu aux universités, avec le travail qu’a effectué UDICE pour construire des liens avec son équivalent allemand, U15. Je l’ai réaffirmé, peu après Vivatech, à l’occasion du 8e forum franco-allemand sur la recherche, le 16 juin, à Berlin.
Cette année, nous avons élargi notre champ d’action en signant un partenariat avec la Fraunhofer Gesellschaft pour animer le dialogue franco-allemand sur l’IA dans l’industrie. Il souligne une volonté conjointe des deux pays née de l’impulsion de l’Ambassade de France à Berlin peu avant le Sommet mondial pour l’IA de février. De tels partenariats montrent notre maturité et notre implication dans les dynamiques d’écosystème, qui ne peuvent pas se limiter au monde académique : les grands pays du numérique gagnent car ils ont des écosystèmes public/privé qui fonctionnent de manière fluide, « sans couture ». Essayer de casser les barrières, c’est notre quotidien et cela reste important.
Je veux remercier tous les acteurs impliqués auprès de nous, je pense à l’Ambassade de France à Berlin et à l’Ambassade d’Allemagne à Paris. C’est une belle concrétisation, aussi, du travail de rapprochement que nous menons depuis des années avec le ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères pour changer nos modes d’interaction avec lui.
Vivatech a lieu quatre mois après le Sommet mondial pour l’IA : quelle continuité ?
L’un comme l’autre sont des jalons dans une stratégie de long terme de la France sur l’IA, où il y a un rôle important attendu pour l’enseignement supérieur et la recherche dans le numérique, où le succès va reposer sur notre capacité collective à construire un vrai écosystème dont les membres travaillent ensemble.
Entre le Sommet mondial pour l’IA et Vivatech, a eu lieu le lancement du Comité stratégique de filière « Logiciels et solutions numériques de confiance », que porte Michel Paulin, également membre du Conseil d’administration d’Inria. C’est extrêmement important pour la structuration de cet écosystème et Inria y est naturellement associé. La veille de Vivatech, a été lancée l’initiative Numeum, l’association des entreprises du numérique, « l’équipe de France du numérique », sous l’impulsion de Véronique Torner, également membre du Conseil d’administration d’Inria. Inria en fait évidemment partie. Les deux initiatives sont complémentaires : elles montrent toutes les deux que les dynamiques collectives s’organisent pour répondre aux enjeux. Autre pierre à cet édifice : le Dialogue national sur l’IA coporté par Inria a été lancé par la ministre Clara Chappaz et d’autres personnalités publiques comme privées, dont Gilles Babinet, coprésident du Conseil national du numérique. Ils étaient tous deux par ailleurs au cœur de notre « Café IA ». Tout cela est plein de promesses !
Inria, avec sa mission de coordination auprès de l’État pour la stratégie nationale en IA dans l’enseignement supérieur et la recherche, a un rôle spécifique à jouer dans ce paysage. Il nous oblige à continuer de changer nos manières de travailler, à réfléchir sur notre positionnement aussi, c’est le cœur de notre COP 2019-2023 puis de notre COMP 2024-2028.
Plusieurs des annonces effectuées lors du Sommet mondial pour l’IA, en février, ont été précisées à l’occasion de Vivatech : je pense au dispositif AI Faculty, qui s’inscrit plus globalement dans l’action française pour l’attractivité, Choose France for Science, et c’était le sujet d’un des événements que nous organisions. Je pense aussi au programme national sur le numérique écoresponsable, piloté par Inria, qui a été formellement annoncé par Philippe Baptiste lors de Vivatech.
Et nous continuons à travailler sur l’implémentation opérationnelle d’autres objets annoncés en février, je pense à « Pionniers de l’IA », pour accompagner de manière différente des porteurs de projets de rupture, quelle que soit la forme du projet.
Ce qui est intéressant est de pouvoir construire de manière cohérente, dans le temps long, dans le cadre d’une stratégie dont l’ambition est l’impact et non la recherche de financement, en faisant les liens et en tirant bénéfice de l’expérience de ce que nous faisons avec Inria Startup Studio ou encore avec le démarrage de PIQ (Programme Inria Quadrant), notre programme de soutien à la recherche à risque au sein de l’Agence de programmes dans le numérique.
La première journée annuelle de PIQ, accueillie par Université Paris Cité, vient d’avoir lieu : elle a montré, notamment avec les intervenants internationaux, combien, dans nos domaines, recherche, technologie et innovation sont étroitement liés, et ce que cela implique pour avoir des politiques de soutien efficace : une fois encore, ne pas mettre les projets dans des petites boîtes bien rangées et sortir des couloirs !