Environnement et planète

Vers un avenir énergétique plus durable : les défis scientifiques du Centre Inria de l’université de Bordeaux

Date:
Mis à jour le 21/06/2024
Les sources d'énergie sont essentielles dans notre société moderne, alimentant nos besoins en électricité, en carburant et en chaleur. Des dispositifs éoliens à l'exploitation des vagues, en passant par la gestion des centrales nucléaires, les sciences du numérique participent aux avancées majeures dans la recherche liée aux ressources, à la production, la gestion et l'impact énergétique. Découvrez comment les scientifiques du Centre Inria de l’université de Bordeaux relèvent les défis scientifiques pour façonner un avenir énergétique plus durable et efficace.
Energie et numérique
© Inria/Photo G. Scagnelli

Des sources d’énergies à la modélisation des ressources naturelles

Les sources d'énergie sont essentielles dans notre société moderne, alimentant nos maisons, nos véhicules et nos industries, qu’il s’agisse de combustibles fossiles tels que le pétrole et le charbon, d’énergie nucléaire produite à partir d’uranium, ou d’énergie dite renouvelable issue des rayons du soleil, du vent ou encore de l’eau. Chaque source d'énergie a ses propres avantages et inconvénients en termes de disponibilité des ressources, d'impact environnemental et de coût. Alors que les combustibles fossiles sont responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre, les sources d'énergie renouvelable offrent une alternative plus durable et respectueuse de l'environnement. 

Ainsi, les scientifiques du Centre Inria de l’université de Bordeaux des équipes-projet Memphis et Cardamom travaillent notamment sur l’étude et la modélisation numérique des ressources naturelles disponibles. Que l’on parle d’énergie éolienne ou houlomotrice (produite à partir de séries de vagues) par exemple, il reste encore de nombreux défis (aussi bien technologiques que scientifiques) à relever ! « Afin de pouvoir concevoir des systèmes efficaces pour extraire l’énergie de ressources naturelles, il faut au préalable savoir bien modéliser les sources. Par exemple, la qualité de la prédiction de la puissance effective d’une éolienne va dépendre de la qualité de la modélisation du vent, et potentiellement de la couche limite atmosphérique, c’est-à-dire la variation de vitesse, de température et de densité avec l’altitude. Ces phénomènes sont gouvernés par des modèles mathématiques potentiellement complexes » explique Michel Bergmann, chercheur au sein de l’équipe Memphis. « Les défis scientifiques que nous tentons de relever s’articulent autour du développement de modèles mathématiques et de leur résolution numérique pour obtenir efficacement des solutions robustes et précises. Afin d’accélérer les calculs, nous nous basons sur l’utilisation du calcul haute performance, et sur la réduction de modèles, c’est-à-dire que l’on va soit simplifier les modèles, soit calculer une solution approchée d’un modèle complet. »

 

 Modélisation d'une éolienne
© Inria/Photo C. Morel

Une optimisation de la production d’énergies naturelles

Une fois que les sources d'énergie ont été correctement modélisées, il est possible de se pencher sur la production d'énergie à proprement parler comme, par exemple, l'utilisation d'éoliennes. « Lorsque vous vous déplacez en voiture sur la Nationale 10, vous pouvez voir des champs de petites éoliennes, avoisinant 100 mètres », indique Michel Bergmann. « Chacune produit entre 3 et 5 mégawatts et leur positionnement en parc optimise la production d’énergie. D’un point de vue scientifique, notre apport se situe à différents niveaux pour favoriser le rendement : nous développons des modèles multi-physiques (fluide-structure), multi-échelles, multi-fidélité (du millimètre autour des pales au kilomètre pour le parc) que nous utilisons pour améliorer le rendement en agissant sur la forme des pales et la position relative des éoliennes dans le parc ». L’équipe-projet Memphis travaille également sur les « éoliennes du futur » ; plus grandes, de la taille de la Tour Eiffel, ce qui soulève de nouveaux défis scientifiques comme la prédiction des déformations des palmes (de presque 120 mètres de longueur) et de leurs impacts sur les performances de production.

En plus de l’énergie éolienne, les équipes Inria travaillent sur la production d'énergie à partir des vagues, domaine émergent qui présente un fort potentiel de recherche scientifique. Les extracteurs de houle des vagues sont encore peu développés, mais offrent des opportunités intéressantes en termes d'optimisation et de modélisation. « Les technologies actuelles utilisant des flotteurs sont encore relativement nouvelles et génèrent une puissance plus faible par rapport aux éoliennes (seulement 300 kilowattheure) » précise Martin Parisot, chercheur au sein de l’équipe-projet Cardamom. « Cependant, grâce à la vaste étendue des surfaces où cette technologie peut être déployée, elle offre un potentiel de production considérable. De plus, elle favorise des collaborations enrichissantes entre équipes de recherche, en particulier sur des problématiques d'optimisation et de réduction de l'impact environnemental. Nous collaborons avec l’équipe-projet Memphis, qui se concentre sur des simulations locales autour du flotteur, tandis que chez Cardamom, nous développons des modèles mieux adaptés à la propagation des vagues, permettant de simuler et optimiser des fermes de flotteurs ».

 

Equipe Memphis - Modélisation de l'énergie marémotrice
© Inria/Photo B. Fourrier

Des scénarios stochastiques pour assurer une distribution efficace de l’énergie

Mêmes si les énergies naturelles renouvelables ont un fort potentiel, les scientifiques doivent se pencher sur des cas concrets pour améliorer la gestion de l'énergie. En France, où le nucléaire occupe une place prépondérante, les équipes Inria collaborent avec des nombreux acteurs du secteur énergétique ; c’est le cas notamment de l’équipe-projet Edge qui travaille avec EDF et RTE pour l’optimisation des circuits de gestion et de distribution de l’énergie produite

L'un des principaux défis auxquels sont confrontés ces acteurs est la prise de décisions d'investissement à long terme sur le réseau électrique et la planification de la production des centrales nucléaires. « Du côté d'EDF, par exemple, planifier les arrêts pour maintenance de ses centrales nucléaires sur une dizaine d'années est complexe en raison de l'incertitude liée à la demande, à la production et aux défaillances potentielles. Nous proposons donc des méthodes qui assurent la faisabilité de la production quel que soit le scénario stochastique dans un ensemble préalablement identifié. De même, pour RTE, la gestion des incertitudes est cruciale dans la planification des évolutions de son réseau pour assurer un transport efficace de l’énergie dans le futur », éclaire François Clautiaux, responsable de l’équipe-projet Edge.

Ces modélisations numériques de la gestion de l'énergie représentent un domaine de recherche essentiel pour garantir un approvisionnement énergétique fiable et efficace. « En partant des cas concrets en collaboration avec les acteurs clés du secteur, nous contribuons à répondre aux questionnements complexes liés à la production et au transport de l'énergie, en tenant compte des multiples incertitudes et en développant des méthodes d'optimisation innovantes pour assurer la robustesse du réseau électrique » conclut le scientifique.

 

Estimation des coûts sur toutes les probabilités futures
© Inria/Photo B. Fourrier

Sécurité et environnement : les défis de la gestion énergétique

L'impact de l'énergie sur l'environnement est un sujet crucial dans le domaine de la gestion énergétique moderne. L'enfouissement et le stockage des déchets, en particulier radioactifs, soulèvent des préoccupations majeures en termes d'impact environnemental. « Le stockage en couche géologique profonde, tel que celui à Bure, nécessite une étude approfondie de l'impact en surface pour garantir la sécurité à long terme. Pour relever ces défis scientifiques, il est nécessaire de coupler des modèles différents, multi-physiques et multi-fidélité, afin de mieux comprendre les processus en jeu et d'assurer la surveillance adéquate du stockage des déchets », explique Tommaso Taddei, chercheur au sein de l’équipe Memphis. 

La protection et la sécurité des installations, telles que les centrales nucléaires, représentent un autre aspect important de l'impact de l'énergie sur l'environnement. La maîtrise du taux de fuite d'une enceinte de confinement d'une centrale nucléaire est essentielle pour garantir la sécurité des populations environnantes. « Il est donc crucial de parvenir à une convergence entre la modélisation mathématique et les données réelles, en utilisant des techniques de modèles réduits pour anticiper les risques potentiels et assurer la sûreté des installations énergétiques en amont » poursuit le scientifique. 

Enfin, la prise en compte de la pollution sur le changement climatique dans les processus de production d’énergie est importante et nécessite des calculs en chimie atmosphérique pour le suivi des polluants émis. L’équipe-projet Concace travaille notamment sur l'utilisation de nouvelles techniques numériques composites et parallèles pour des simulations à grande échelle. « Cela est essentiel pour résoudre les défis scientifiques liés à la résolution d'équations aux dérivées ordinaires (ODE), qui représentent les réactions entre les différentes espèces chimiques des polluants émis ; ces espèces interagissent entre elles, se transforment et se dégradent dans l'atmosphère. La difficulté est qu'il faut résoudre, à chaque temps de la simulation (pour prévoir la concentration de ces espèces dans l'espace au cours du temps) une multitude des systèmes d'ODE. Chez Concace, via une collaboration avec des chercheurs du partenaire Cerfacs, nous avons utilisé nos techniques de résolution, ce qui a permis de réduire les coûts de calcul. Et cette économie est importante dans le cas notamment d’accidents sur des infrastructures de production chimique, afin d’avoir plus rapidement les informations sur les zones environnantes impactées. L'autre bénéfice est que nos techniques étaient plus robustes et permettaient de gérer plus efficacement les transitions jour/nuit puisque les mécanismes qui régissent les réactions chimiques sont différents dans le deux cas » souligne Luc Giraud, responsable de l’équipe-projet commune Inria-Industrie Concace.

 

Résolution de systèmes linéaires de très grande taille
© Inria/Photo M. Magnin