Le poids des années pèse aussi sur les télomères

Date:
Mis à jour le 10/04/2020
Un nouvel outil mathématique développé par Anne Gegout-Petit, responsable de l’équipe-projet BIGS, et Denis Villemonais, chercheur au sein de l’équipe-projet TOSCA, ouvre de nouvelles perspectives pour l’étude des causes génétiques du vieillissement.

Nouveau champ d’exploration pour la génétique 

Telomere
Photo AJC1 via Wikimedia - CC-BY-SA-4.0

Le poids des années pèse sur nos épaules, mais aussi sur la longueur de nos télomères. Ces petites séquences d’ADN situées aux extrémités de chacun de nos chromosomes les protègent des dégradations potentiellement causées lorsque les cellules se multiplient. Or les biologistes savent depuis longtemps que leurs longueurs diminuent au cours de la vie, et que ce rétrécissement est corrélé avec l’apparition de certaines maladies cardiovasculaires ou neurodégénératives liées à l’âge.

Anne Gegout-Petit et Denis Villemonais ont collaboré avec l’équipe d’Athanase Benetos, chef du département de gériatrie du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy pour développer un nouvel outil statistique qui permet d’analyser la longueur des télomères de façon beaucoup plus précise et détaillée qu’auparavant. La statistique ouvre ainsi un nouveau champ d’exploration pour la génétique.

Traditionnellement, les biologistes considèrent uniquement la moyenne de la longueur des télomères d’un individu, qui est relativement facile à obtenir : suite à une prise de sang, l’ADN de la personne est extrait des cellules, puis les télomères sont spécifiquement mesurés. Mais le calcul de cette moyenne gomme toutes les particularités qui pourraient exister… Or une technique d’analyse biologique plus précise donnant la distribution des longueurs des télomères associée avec cette nouvelle technique d’analyse statistique permet de faire émerger ces particularités et d’évaluer leur importance.

Signature télomérique unique 

Chaque cellule humaine contient 92 télomères, c’est-à-dire 1 à chaque extrémité de chacun des 46 chromosomes. Chacun de ces télomères est susceptible d’avoir une longueur différente, habituellement comprise entre 3 et 20 kilobases (une base est une des briques qui composent l’ADN) : le spectre des longueurs possibles comprend donc toutes les valeurs possibles entre 3 et 20. Le graphique représentant cette distribution ressemble à une cloche dont la forme exacte varie d’un individu à l’autre. 

Grâce à l’analyse statistique mise en oeuvre par Anne Gegout-Petit et Denis Villemonais, les chercheurs et chercheuses ont analysé la distribution des longueurs des télomères de 72 personnes, sur la base de prises de sang effectuées à des intervalles de 8 à 10 ans. Ils ont ainsi observé que cette distribution, c’est-à-dire la forme de la cloche du graphique, était caractéristique des individus. Il existe donc une signature télomérique pour chacun et chacune de nous !

Visualisation des effets de seuil 

Ainsi, à 8 ou 10 ans d’intervalle, la forme de la distribution des longueurs de nos télomères reste statistiquement constante pour un individu donné, même si elle se déplace vers les longueurs plus courtes. Par contre cette distribution est statistiquement différente d’un individu à l’autre, pour un âge donné. 

Cette découverte surprenante ouvre de nouvelles perspectives pour l’étude et la compréhension du vieillissement. Grâce à cette analyse statistique beaucoup plus fine que précédemment, il devient possible de voir des effets de seuil que l’étude de la moyenne de longueurs ne permettait pas du tout de voir ; ainsi les scientifiques espèrent comprendre si les signes du vieillissement apparaissent seulement quand un certain nombre de télomères passent sous un seuil de longueur critique. Le poids des années pourrait peser différemment sur certains télomères, mais avoir néanmoins des effets dévastateurs…