Modélisation et Simulation

Spreading factors : facteurs de propagation et distanciation sociale

Date:
Mis à jour le 26/11/2021
L’épidémie de Covid-19 a donné lieu à un grand nombre d’études scientifiques ayant recours à la simulation numérique pour aider à établir des normes sur la distanciation sociale (e.g. distance minimum entre deux individus). Le projet Spreading Factors a pour objectif de mettre en place une méthodologie permettant de quantifier l’importance relative entre les paramètres physiques d’entrée et leur impact sur la dispersion tout en quantifiant l’incertitude sur les résultats obtenus.
Christophe Henry, chercheur l'équipe de recherche Calisto et porteur du projet, nous en présente les grandes lignes.
Bactéries

Quelle est la genèse de votre projet ?

L’équipe CaliSto développe des modèles et des méthodes numériques pour la simulation d’écoulements multiphasiques, c’est-à-dire d’un fluide (liquide ou gaz) chargé en particules (des objets solides de formes et de tailles variées).

Au cours de mars et avril 2020, nous avons analysé les récentes communications scientifiques qui faisaient état de simulations numériques sur la dispersion dans l’air de gouttelettes émises par une personne (potentiel vecteur de transmission du virus). Les conclusions de ces études fournissent des pistes sur une possible distance minimale à respecter entre les personnes. Néanmoins, nous avons vite remarqué une très forte variabilité de ces conclusions, qui dépendent énormément de la situation considérée (individus à l’arrêt ou en mouvement, vitesse du vent ambiant, etc.). C’est à ce moment-là que j’ai fait le parallèle avec une communication d’Edgar Morin dans le journal du CNRS du 11 Avril 2020 intitulée : « Nous devons vivre avec l'incertitude ». Il m’est alors paru important que nous puissions contribuer à permettre au public de mieux comprendre que la science n’est pas « le répertoire des vérités absolues » (Edgar Morin), mais bien « une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées ».

Nous avons alors proposé d’apporter un éclairage sur cette variabilité des préconisations de distanciation sociale provenant de simulations numériques. Pour ce faire, nous avons eu recours à des outils de quantification d’incertitude et d’analyse de sensibilité que nous étions en train de mettre en place dans le cadre d’un projet européen. Rapidement, nous avons échangé avec des chercheurs d’autres équipes Inria, notamment Céline Grandmont de l’équipe Commedia et Hervé Guillard de l’équipe Castor (ce qui nous a amenés à inclure des partenaires de l’ONERA ayant une expérience dans la simulation numérique d’écoulements de gouttes). Nous avons ensuite mis en place un prototype pour la preuve de concept. Le projet a été soumis fin avril pour évaluation auprès de la mission Covid Inria.

Comment se développe-t-il aujourd'hui et quels sont ses objectifs ?

Porteur : Christophe Henry (équipe CaliSto)

Partenaires Inria : Jérémie Bec, Mireille Bossy, Kerlyns Martinez-Rodriguez (équipe CaliSto), Hervé Guillard (équipe Castor), Céline Grandmont (équipe Commedia)

Partenaires ONERA : Angelo Murrone, Nicolas Rutard (Département multiphysique pour l’énergie)

À la suite de quatre à cinq semaines de travail, nous avons pu mettre en place une méthodologie basée sur l‘analyse de sensibilité et la quantification d’incertitude de données issues de simulations numériques. Nous avons également validé cette méthodologie en l’appliquant à un cas test de démonstration : il s’agit d’une simulation simplifiée de dispersion de gouttelettes sans écoulement d’air ambiant ni modèle d’évaporation/condensation des gouttelettes.

Actuellement, nous continuons à travailler à la mise en place de simulations plus réalistes. Pour cela, nous nous appuyons sur des simulations numériques que nos collègues de l’ONERA ont réalisées durant l’été 2020. Il s’agit de simulations fines de l’écoulement d’air expulsé par un individu dans un milieu au repos (en fixant certains paramètres grâce à des données expérimentales comme la vitesse et l’angle d’expulsion de l’air, l’humidité relative). Nous sommes en train de coupler ces simulations fluides à des modèles sur la dispersion et l’évaporation de gouttelettes.

Modèle de simulation de dispersion de gouttelettes
© Christophe Henry, équipe Calisto, Inria

 

Suite à ces premiers travaux prometteurs, nous poursuivons nos travaux avec deux objectifs principaux :

  • Améliorer la méthodologie mise en place, notamment en affinant nos choix d’outils d’analyse de sensibilité et de quantification d’incertitudes (à la fois pour réduire les coûts de calcul et pour mieux rendre compte de la complexité et de la richesse des données) ;
  • Enrichir les données issues de simulations numériques dont nous disposons. L’idée est de pouvoir mieux rendre compte de l’impact sur les résultats des choix de modélisation (puisqu’il existe un large spectre de modèles pour chaque phénomène comme la turbulence du fluide, le transport de gouttes et leur évaporation) et des choix d’implémentation de ces modèles (plusieurs codes existent pour résoudre un même modèle, chacun ayant une structure propre). Face à la richesse de ce sujet, nous cherchons de nouveaux partenaires spécialisés sur cette thématique dans l’espoir qu’ils puissent nous transmettre des données de simulations numériques (voire d’expériences) que l’on pourra analyser avec ces outils.