Un drone dirigeable plein de promesses

Date:
Mis à jour le 23/11/2023
Une équipe du centre Inria Lille - Nord Europe vient de créer un drone autonome, capable de se déplacer seul plusieurs jours dans un lieu fermé, sans qu’il y soit nécessaire de rester à proximité pour le piloter ou changer ses batteries. La solution ? Un ballon dirigeable obéissant à de nouvelles lois de commande robotique dites « sans modèles ».
Dirigeable
Photo Yue Wang

Avant d’imaginer des drones pouvant réaliser seuls de longues missions d’exploration ou de surveillance, il fallait régler la question de leur autonomie énergétique. « Le problème, avec les modèles actuels, c’est qu’on perd trop de temps à recharger leurs batteries. Celles-ci se vident en moins de trente minutes, car les engins sont lourds et il faut beaucoup d’énergie pour les maintenir dans les airs, explique Gang Zheng*, chercheur en automatique et robotique qui a suivi le projet au sein de l'équipe NonA-Post du centre de recherche Inria Lille - Nord Europe. D’où l’idée de créer un drone dirigeable. En faisant porter l’engin par un ballon gonflé à l’hélium, on n’a plus besoin de moteur pour le faire voler, juste pour le diriger. » Le premier prototype testé par les chercheurs mesure 71 x 105 x 55 cm, mais ne pèse que 160 g. Résultat : sa batterie tient près d’un mois.

Un drone commandé sans modèle, mais précis

Ce n’est pas la première fois que des chercheurs et chercheuses en robotique développent un drone dirigeable. Mais « les autres sont télécommandés, ou ont été conçus pour voler en extérieur, précise Gang Zheng. Le nôtre est prévu pour naviguer en pilotage automatique à l’intérieur de bâtiments.  » Son intelligence artificielle est capable de se localiser précisément dans une pièce, sans GPS, et d’éviter les objets, même mobiles, qui se trouvent sur son passage. C’est là que l’expertise de l’équipe Non-A Post, sur les systèmes non asymptotiques, a été mise à profit : « Pour que le robot puisse "improviser" rapidement une nouvelle trajectoire en cas d’obstacle ou de bousculade, et retrouver sa route initiale, il faut qu’il puisse estimer en temps réel des variations dans des valeurs qui, comme son altitude ou sa vitesse après perturbation, ne sont pas prévisibles. Ces estimations, dites non asymptotiques, sont notre spécialité, tout comme les dispositifs de commande sans modèle qui permettent d’y réagir », explique Denis Efimov, responsable de l’équipe.

La démonstration du premier prototype a été concluante : si on le pousse ou on le leste, il arrive à retrouver sa trajectoire initiale dans une pièce de la taille d’un bureau, même quand ce chemin prévoit de passer par une étroite fenêtre sans en heurter le cadre. Ce, grâce à des caméras de capture mouvements OptiTrack, réparties dans la pièce, et à des marqueurs placés sur le ballon dirigeable. Dès que les capteurs repèrent une variation dans la position ou la vitesse du robot, le système génère une nouvelle trajectoire qui vise à compenser ces perturbations. Reste à renouveler l’expérience à plus grande échelle. À cette fin, un autre prototype, de taille plus importante, est en cours d’assemblage.

De nombreuses applications potentielles

Les chercheurs de l’équipe Non-A Post envisagent de nombreuses applications pour leur drone dirigeable qui, en plus d’être autonome, se révèle silencieux, stable et très maniable. Qu’il soit commandé depuis un ordinateur ou en pilotage automatique, il pourrait notamment intéresser des entreprises de logistique, pour la gestion de leurs stocks : plutôt que de faire manuellement l’inventaire des produits dans un hangar, elles pourraient envoyer le robot voler d’étagères en étagères pour lire et scanner chaque code barre. Le drone pourrait aussi servir à l’exploration ou à la cartographie de bâtiments, ou encore faire office de caméra de surveillance mobile. En patrouillant dans un entrepôt, il aurait une vision moins limitée que celle d’une caméra fixée au mur.

Dès que le deuxième prototype aura fait ses preuves, l’équipe se mettra en contact avec d’éventuels partenaires industriels. En attendant, la région Hauts-de-France lui a déjà accordé un financement, dans le cadre d’un projet visant à optimiser les systèmes de logistique urbaine, et l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) s’est montré intéressé par une possible collaboration.

 

 

L’équipe Non-A Post est commune avec Centrale Lille, le CNRS et l'Université de Lille (au sein de l'UMR 9189 CNRS-Centrale Lille-Université de Lille, CRIStAL.)

Gang Zheng a rejoint récemment l’équipe Defrost (Deformable robotic software), qui développe des robots faits de structures complexes déformables, proches des matériaux organiques.