Environnement et planète

Une réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce aux sciences du numérique

Date:
Mis à jour le 06/06/2024
La décarbonation est un processus visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère pour lutter contre le changement climatique. Selon le GIEC, il est impératif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C pour éviter des conséquences désastreuses pour la planète. La décarbonation implique donc de réduire notre dépendance aux énergies fossiles et de réduire la production de dioxyde de carbone, même si elle provient de sources d'énergie renouvelables. Mais comment les sciences du numérique peuvent-elles accompagner cette transition ?
Environnement et numérique
© Freepik

 

Les enjeux de la décarbonation pour la société sont multiples. En plus de lutter contre le changement climatique, la décarbonation permet de réduire la pollution de l'air, de créer des emplois dans le secteur des énergies renouvelables et de favoriser l'indépendance énergétique des pays. De plus, elle contribue à la transition vers une économie plus durable et respectueuse de l'environnement. Et les sciences du numérique peuvent jouer un rôle clé dans la transition vers une économie décarbonée. Par exemple, elles peuvent permettre d'optimiser la gestion de l'énergie et d'intégrer efficacement les énergies renouvelables dans le réseau électrique ou encore modéliser et simuler de nombreux phénomènes pour concevoir des solutions innovantes afin d’accélérer cette transition vers un avenir plus durable et respectueux de l'environnement.  C’est le pari que fait notamment l’équipe-projet Pleiade du Centre Inria de l’université de Bordeaux en s’impliquant dans des projets en collaboration avec l’IFPEN et INRAE, afin d’atteindre l’objectif européen de neutralité carbone

Objectif neutralité carbone en 2050

Atteindre la neutralité carbone pour le continent européen en 2050 est un objectif ambitieux partagé par la France et ses partenaires européens dans la lutte contre le changement climatique. Actuellement, l'industrie française est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’hexagone, tels que le dioxyde de carbone (CO2) ou le méthane (CH4), ce qui en fait un secteur clé à transformer. Cependant, le défi est de taille, car les technologies et énergies fossiles ont longtemps été au cœur de son fonctionnement depuis la première révolution industrielle il y a plus de 200 ans.

Pour parvenir à cet objectif, il est nécessaire de modifier en trois décennies des modes de production anciens. Le plan France 2030 prévoit un soutien financier public important pour encourager l'innovation et le développement de solutions françaises de décarbonation. L'État mobilise ainsi 54 milliards d'euros pour transformer durablement des secteurs clés tels que l'énergie, l'automobile, l'aéronautique et l'espace, afin de positionner la France en tant que leader dans le monde de demain.

La consommation d'énergies fossiles représente la première source d'émissions de CO2 à l’échelle mondiale (80 %)[1], et il est crucial de réduire cette dépendance. La stratégie de l'Union européenne pour atteindre la neutralité carbone en 2050 repose sur le remplacement des énergies fossiles par des énergies bas-carbone. Il est important de noter que la neutralité carbone ne signifie pas un arrêt total des émissions de GES, mais plutôt une réduction maximale accompagnée de compensations par des absorptions équivalentes. En parallèle de la décarbonation de l'énergie et de la réduction des consommations, il est donc essentiel de veiller à compenser les émissions par des absorptions équivalentes, en préservant et en développant les puits de carbone. 

 

Décarbonation
© Freepik

Mieux piéger le carbone grâce à la bio-informatique

La séquestration du carbone capture le dioxyde de carbone à la source et le stocke sous terre. Il existe aujourd’hui des sites pilotes de ce procédé qui fixent ce carbone à des profondeurs de plus de deux kilomètres sous la surface de la Terre, dans des aquifères salins bien en dessous des nappes phréatiques, et ce, dans l’optique d'éviter toute fuite potentielle. De nombreux projets de recherche visent à améliorer cette séquestration en exploitant notamment les caractéristiques géologiques de ces profondeurs.

Cependant, le rôle des processus biologiques et chimiques est moins compris et sur ce volet l’équipe-projet Pleiade, en collaboration avec l’IFPEN, met à contribution les sciences du numérique : « Nous modélisons les interactions biologiques qui se produisent en sous-sols au niveau des puits de carbone et voulons identifier si l’implication de certaines communautés microbiennes pourrait être bénéfique pour la fixation du carbone, par exemple en favorisant l'imperméabilisation des parois du puits en créant des biofilms ou en précipitant le carbone sous forme solide » explique David Sherman, responsable de l’équipe-projet Pleaide. L’objectif étant de mieux piéger le carbone afin d’éviter toute fuite future. « En combinant des modèles géologiques et chimiques de l’IFPEN avec les modèles de communautés microbiennes que l’on développe chez Pleiade, nous cherchons à prédire quels consortia microbiens pourraient former ces biofilms ».

En étudiant à la fois les réactions individuelles au niveau microbien, ainsi que les réactions communautaires à une échelle plus large, Pleiade a pour ambition d’apporter des outils de modélisation de ces différents systèmes biologiques afin de contribuer à la lutte contre les gaz à effet de serre, et plus largement, aux différentes activités d’adaptation aux changements climatiques. 

Réduire le carbone produit par l’élevage agricole

L’élevage est responsable de la majorité des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine agricole, notamment du méthane, qui a un potentiel de réchauffement climatique 28 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone sur un horizon de cent ans. Il faut réaliser qu'en France, ce gaz émis par les ruminants représente 48 % des GES à l’échelle du secteur agricole, et aussi une perte énergétique non négligeable (environ 6 %) pour l’animal. 

Lors de la digestion du ruminant, le CH₄ est produit lors de la fermentation des aliments dans le rumen (premier estomac de l’animal). Ce processus est contrôlé par l’activité d’un écosystème microbien extrêmement divers, comportant des bactéries, des protozoaires, des champignons et des Archaea. Ce méthane ainsi produit est principalement expulsé par l'animal par éructation par la suite.

Réduire ces émissions de CH4 tout en optimisant l’efficacité digestive, la productivité et la santé de l’animal constitue un enjeu majeur pour le secteur de l’élevage. Ce sujet est notamment l'objet des recherches à INRAE. Comment le numérique peut-il contribuer ? Les équipes d’INRAE MoSAR et Herbivores ainsi que l'équipe-projet Pleiade proposent un projet de recherche plus qu’ambitieux : modéliser l’écosystème microbien du rumen afin de déterminer s’il est possible de transformer le méthane produit en un autre gaz, moins nocif pour la planète et pour l’animal lui-même. 

Verbatim

En tant que scientifique, nous nous devons d’explorer toutes les pistes possibles de décarbonation : que ce soit en amont des émissions, comme le projet sur les ruminants ou en aval, comme le projet sur les puits de carbone. Il faut tenter le tout pour le tout ! 

Auteur

David Sherman

Poste

Directeur de recherche Inria

Zoom sur le projet MISTIC : explorer les microbiomes des plantes cultivées avec les sciences du numérique

MISTIC est un projet collaboratif issu du PEPR Agroécologie et numérique. Impliquant l’équipe-projet Pleiade, l’Institut Sophia Agrobiotech et l’équipe-projet Genscale, le projet vise à comprendre le rôle crucial des communautés microbiennes dans l'adaptation des cultures aux changements climatiques et environnementaux.

En combinant des approches complémentaires en métagénomique environnementale et en simulation numérique, il ouvre de nouvelles perspectives plus résilientes à l’échelle d’une parcelle agricole entière.

Il s’agit là d’un pas de plus dans la lutte contre le changement climatique, en parallèle notamment des projets en lien avec la décarbonation présentés ci-dessus. 

Pour plus d’informations


[1] Décarboner l’énergie, Dossier réalisé par INRAE, janvier 2024