Prix Inria

George Drettakis : toute une carrière pour donner vie aux images 3D

Date:
Mis à jour le 27/11/2024
Créer et manipuler des environnements immersifs en visualisation 3D, aussi facilement qu’on prend une photo ou une vidéo : c’est l’objectif depuis 30 ans de George Drettakis, chercheur en informatique graphique et lauréat du Grand prix Inria – Académie des sciences. Ces dernières années, l’intelligence artificielle et le machine learning lui ont permis d’obtenir des progrès spectaculaires.
Synthèse d’image à partir de photos sur écran par George Drettakis
© Inria / Photo C. Morel

« Fier d’avoir contribué aux avancées de l’informatique graphique »

« En ce moment, tout tombe en même temps, constate avec un sourire George Drettakis : le succès exceptionnel de notre algorithme Gaussiennes 3D, mon deuxième ERC Advanced Grant, l’association scientifique Eurographics qui me distingue pour l’ensemble de ma carrière, ce Grand prix Inria Académie des Sciences… » Une accumulation de bonnes nouvelles que le chercheur qualifie avec modestie « d’aboutissement, pas de consécration ».

Depuis 30 ans, George Drettakis poursuit le même rêve : lever les freins à l’utilisation des images de synthèse, les rendre aussi faciles à créer et à manipuler que les photos ou vidéos de nos smartphones. « À mes débuts, les scènes 3D était très difficiles à créer et à afficher. Elles n’étaient pas réalistes, ne s’affichaient pas en temps réel, ne pouvaient pas être générées à partir de photos. L’informatique graphique a connu de grandes avancées et je suis fier d’y avoir contribué. »

Recruté chez Inria en 1995, il lance et anime deux équipes de recherche : Reves de 2000 à 2015, puis Graphdeco qui compte aujourd’hui une vingtaine de personnes. En parallèle, il gravit rapidement les échelons, en devenant directeur de recherche dès 2003. Il est vrai que ses travaux connaissent un retentissement considérable auprès de la communauté scientifique.

Images de synthèse d’un vélo
© DR
Images de synthèse d’un vélo obtenues avec les Gaussiennes 3D de George Drettakis et de son équipe (à gauche) et la solution de Google (à droite). L’image de gauche a été obtenue après 51 minutes de calcul et se révèle bien plus nette, notamment pour la représentation des rayons de roues. L’image de droite a nécessité 48 heures de calcul, est moins réaliste, et son affichage demande 14 secondes, durée incompatible avec une utilisation en vidéo.

Donner plus de réalisme aux scènes 3D

Dès 2002, avec un postdoctorant, il conçoit un algorithme sur le calcul des ombres dans les scènes 3D. Celui-ci sera vite exploité dans le jeu vidéo, car bien plus réaliste que les ombrages maladroits en marches d’escalier qui prévalent à l’époque. Aujourd’hui encore, la publication consacrée à cet algorithme reste la deuxième la plus citée de sa carrière. 

Deux ans plus tard, le chercheur contribue à une nouvelle avancée avec un algorithme qui combine scènes 3D et sons, comme dans la réalité : « Les neurosciences avaient montré que dans un environnement qui compte des dizaines de sources sonores, certaines fréquences masquent les autres et les rendent inaudibles. Reproduire ce phénomène dans des scènes 3D augmentait fortement leur réalisme ». Un brevet est déposé, et sera notamment exploité dans des jeux vidéo de courses automobiles.

En parallèle, George Drettakis poursuit des objectifs à plus long terme : par exemple, créer des scènes 3D à partir de photos prises sous plusieurs angles, puis pouvoir s’y « déplacer » et les observer sous différents points de vue. Avec ses collaborateurs, il publie en 2013 un algorithme précurseur qui ouvre cette possibilité, puis obtient en 2017 un financement ERC Advanced Grant FUNGRAPH pour constituer une équipe dédiée et approfondir le sujet pendant cinq ans.

Image vidéo 3D de pièces de jeu d’échecs
© DR
Image vidéo 3D de pièces de jeu d’échecs. On distingue à droite, dans les ombres, des traits en forme de marches d’escalier peu réalistes. À gauche, elles disparaissent avec l’algorithme de « cartes d’ombres perspectives » développée par Georges Drettakis et son doctorant en 2002.

Les algorithmes d’intelligence artificielle, un outil supplémentaire

À cette époque, l’intelligence artificielle (IA) et le machine learning prennent leur essor. Dès 2018, le chercheur met à profit ces progrès : « pour avoir beaucoup de puissance de calcul, nos collègues spécialisés en IA exécutaient leurs algorithmes sur des processeurs graphiques (GPU), que j’utilisais pour ma part depuis 25 ans. Par méconnaissance de ce matériel, ils n’en exploitaient pas toutes les possibilités. Avec mes collaborateurs, nous avons pu adapter leurs algorithmes à nos sujets et les optimiser en tirant un parti maximal des GPU ».

Les résultats de cet ERC obtiennent un écho planétaire : avec son équipe, George Drettakis publie en 2023 les Gaussiennes 3D, un algorithme de création et d’affichage de scènes 3D plus rapide et précis que les meilleurs logiciels de Google et Nvidia ! En quelques mois, il est adopté par des sociétés du monde entier et de tous les secteurs : commerces en ligne, jeux vidéo, réalité virtuelle, immobilier, travaux publics, archéologie, formation de chirurgiens… « Et ce n’est pas fini. Faciliter la reconstruction 3D d’environnements réels ouvre des possibilités quasi illimitées ! »

« Inria me permet d’explorer des pistes pendant des années » 

Pour tout chercheur, décrocher un financement ERC Advanced Grant constitue un sommet dans une carrière scientifique. George Drettakis, lui, en a obtenu deux !  Il a reçu le second en 2024, pour utiliser la puissance des modèles d’apprentissage profond de l’IA générative et aller vers un réalisme encore accru. 

« Un exemple : il est impossible aujourd’hui de changer les conditions d’éclairage d’une scène 3D, sauf à y passer des centaines d’heures. Grâce à l’IA, nous voudrions automatiser cette opération tout en respectant les lois physiques de propagation de la lumière. Une même image 3D pourrait ainsi être représentée le matin, le soir, l’hiver, en été… »

À l’horizon, le chercheur confie avoir d’autres idées de recherches : réutiliser des fragments de scènes 3D pour en créer de nouvelles, les associer avec des images d’artistes, identifier les matériaux d’une scène pour en déduire leurs propriétés de réflexion lumineuse… « Mes travaux se focalisent principalement sur les algorithmes. Inria me permet d’explorer des pistes pendant des années, même si je n’obtiens pas forcément de résultats applicatifs à la fin. C’est une grande chance ! »

Biographie express

1994 : docteur en informatique de l’université de Toronto (Canada)

1995 : chargé de recherche chez Inria Grenoble Rhône-Alpes

2000 : fondateur de l’équipe de recherche Reves chez Inria Sophia Antipolis – Méditerranée

2003 : directeur de recherche

2007 : distingué pour ses travaux par l’association scientifique Eurographics

2015 : créateur et directeur de l’équipe Graphdeco

2017 : lauréat d’une bourse ERC Advanced Grant

2023 : publication de son algorithme de création et d’affichage de scènes Gaussiennes 3D

2024 : lauréat d’une seconde bourse ERC Advanced Grant et distingué par Eurographics pour l’ensemble de sa carrière.

Pourquoi faut-il faire de la recherche ?

George Drettakis

Lauréat du Grand prix Inria – Académie des sciences 2024

« Pour choisir les sujets de nos travaux, apprendre chaque jour et apporter sa petite pierre au grand mur de la connaissance, avoir l’immense satisfaction de résoudre le premier des problèmes sur lesquels tout le monde bute, obtenir des résultats avec un impact scientifique et industriel… Et pour ressentir la joie de travailler en équipe, former de jeunes chercheurs et créer les conditions pour qu’ils produisent à leur tour d’excellents résultats. »

Prix Inria 2021
© Inria / Photo M. Magnin

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