Bio express
D’origine italienne, Marco Tognon effectue un stage en robotique, sur le transport et la manipulation d'objets par des véhicules aériens, au Max Planck Institute de Tubingue en 2014, après son master d’ingénierie en automatisme à l’université de Padoue. En 2018, il obtient un doctorat en robotique mené au LAAS-CNRS (Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes) de Toulouse avec une thèse consacrée aux interactions physiques aériennes des robots. Il poursuit par un postdoctorat à l'ETH (École polytechnique fédérale de Zurich), où il travaille sur de petits véhicules aériens. Le chercheur rejoint l’équipe Rainbow du centre Inria de l’Université de Rennes en 2022.
Créer des robots autonomes dans des environnements complexes
"Dès mes études en ingénierie, j'ai voulu me concentrer sur la robotique", se souvient Marco Tognon. Membre de l'équipe-projet Rainbow au centre Inria de l’Université de Rennes, ce spécialiste de la robotique aérienne a été distingué en octobre dernier par le prestigieux prix Toshio Fukuda IROS 2024, décerné aux jeunes chercheurs.
Une consécration pour celui qui a commencé à travailler sur ces questions il y a une dizaine d'années, au Max Planck Institute de Tubingue (Allemagne). "Nous voulions déjà, à l'époque, élaborer des robots autonomes qui naviguent dans des environnements complexes, se remémore le chercheur. Mais la technologie ayant tellement évolué, mon travail a énormément changé depuis."
Un défi : éviter les crashs de drones
Indépendamment de ces innovations, la conception de robots capables de réaliser des tâches physiques de manière autonome, dans différents types d'environnement, demeure le fil directeur de la carrière de Marco Tognon. Principalement dans les airs, son sujet de prédilection.
Le défi est de taille. À l'heure où les drones se diffusent largement et deviennent de plus en plus performants, il reste encore délicat de faire voler des engins entièrement automatisés. "Avec un robot terrestre qui rate une action, il suffit d'appuyer sur un bouton et il s'arrête, illustre le chercheur. Mais s'il vole… Il s'écrase !"
Pour éviter les crashs, les robots doivent pouvoir percevoir l'ensemble de l'environnement autour d'eux grâce à une série de capteurs et de caméras. Mais de surcroît, ils doivent être capables de se mouvoir alors même qu'ils sont, par nature, instables lorsqu'ils volent. Des défis que les recherches de Marco Tognon permettent de relever petit à petit.
Verbatim
Quand j'ai commencé, nous pouvions à peine créer de petits drones s’élevant de quelques centimètres qui tiraient des câbles avec une force très limitée. Désormais, nos robots sont capables de voler et d'ouvrir des portes
Chercheur Inria (ISFP) - équipe Rainbow
Le prix Toshio Fukuda Young Professional en quelques mots
Cette distinction prestigieuse est décernée chaque année à un chercheur qui, dans les 10 premières années de sa carrière postdoctorale, a mené des travaux ayant produit un impact majeur sur les robots intelligents.
Le prix est remis lors de la conférence IROS (International Conference on Intelligent Robots and Systems) qui se tenait cette année à Abou Dabi (Émirats arabes unis). Il porte le nom du chercheur japonais Toshio Fukuda, pionnier de ce domaine.
De puissants algorithmes pour modéliser toutes les actions simultanées
Lorsqu'il vole, un robot exerce en permanence une force pour se maintenir dans les airs, grâce à la rotation de pales par exemple. Une autre force de propulsion lui sert à se déplacer vers le haut, le bas, en avant ou en arrière. Tous ces mouvements génèrent une certaine imprécision que Marco Tognon cherche à corriger. L'objectif étant que les autres actions simultanées du robot n’entrent pas en conflit avec ces forces.
Et dans l’idéal, il faudrait que ces engins soient relativement puissants pour devenir plus agiles. Aux yeux de Marco Tognon, les robots aériens devraient donc être dotés de davantage de "muscles" pour pouvoir exercer de réelles manipulations. Mais qui dit plus de "muscles", dit plus de poids, ce qui est délicat pour des engins censés être suffisamment légers pour voler sans difficulté. Cet équilibre nécessite donc de puissants algorithmes pour modéliser et organiser l'ensemble des actions des robots aériens. Un challenge complexe au cœur des recherches de Marco Tognon. Ce sont ces travaux qui l'ont mené aujourd'hui à recevoir ce prix Toshio Fukuda, mais pas seulement. La récompense consacre également son engagement au sein de la communauté scientifique, mais aussi les espoirs autour de ce monde en pleine mutation.
À l’horizon, des cobots aériens pour aider les humains
"Les progrès sont phénoménaux, assure le chercheur. Quand j'ai commencé, nous pouvions à peine créer de petits drones s’élevant de quelques centimètres qui tiraient des câbles avec une force très limitée. Désormais, nos robots sont capables de voler et d'ouvrir des portes." Sources d’avancées majeures, ses recherches ne vont pas s'arrêter en si bon chemin. Au-delà des drones actuels, Marco Tognon et l'équipe Rainbow poursuivent ainsi un autre but : concevoir des cobots aériens. Dénommés aussi robots collaboratifs, ces engins sont destinés à coopérer avec les humains, en travaillant avec eux pour effectuer certaines tâches.
"C'est un objectif plus lointain, précise le chercheur. Les robots aériens ne sont pas encore assez matures pour collaborer avec des humains, en tout cas pas sans un opérateur qui les contrôle directement." Néanmoins, Marco Tognon, aidé de plusieurs chercheurs, a déjà conçu un prototype qui se rapproche de cet idéal. Il s’agit d’un robot muni d'un bras, élaboré dans le cadre du projet FlyHandyBot, visant à créer des « drones de labeur », aptes à effectuer du travail physique. Très prometteur, ce prototype ne fonctionne pour l’instant qu'en laboratoire, et non en conditions réelles et entouré d’humains.
Faire agir de concert plusieurs robots aériens
Autre ambition du chercheur, plus lointaine encore : faire agir non pas un seul robot aérien autonome, mais plusieurs en même temps. Là aussi, les algorithmes à développer se doivent d'être solides pour ne pas risquer l'accident. "Dans ce type de projet, le plus simple est de disposer de plusieurs robots qui recueillent des données et transmettent le tout à une unité centrale, indique Marco Tognon. Celle-ci choisit ensuite le meilleur comportement à privilégier."
Seulement, cette solution n'est pas applicable à toutes les tâches. Et afin d'agir vite et plus efficacement, les robots doivent être autonomes tout en étant "conscients" de l'environnement autour d'eux. Mieux : ils doivent transmettre les données acquises par leurs différents capteurs à leurs voisins, pour qu'eux aussi prennent la meilleure décision.
Quelles sont les applications possibles ? Elles s’avèrent nombreuses, comme l’illustre Marco Tognon : "Par exemple, ces robots pourraient contribuer à l'installation d'antennes ou au changement des vitres des gratte-ciels, ou encore travailler sur des lignes à haute tension ou des éoliennes… Des tâches dangereuses effectuées aujourd'hui par des humains."
Une visée certes ambitieuse, mais pas démesurée. Et avec le prix qui vient de lui être remis, Marco Tognon ainsi que l’équipe Rainbow disposent d’un atout supplémentaire pour convaincre du rôle central de leurs recherches. Les progrès des robots aériens n’ont donc pas fini de nous étonner.