Biologie

Optimiser les thérapies médicamenteuses du cancer

Date:
Mis à jour le 03/02/2023
Médecine régénérative, étude du mouvement cellulaire ou de l’apparition de résistance aux traitements, le cancer est un axe central des recherches de l’équipe-projet Mamba. À l’occasion de la journée pour la lutte contre le cancer, Marie Doumic et Diane Peurichard nous dévoilent quelques applications des travaux de l'équipe.
Traitement de cellules cancéreuses
© Yves Pommier, Rozenn Josse, 2014

 

L’équipe-projet commune Mamba* (Modelling and Analysis for Medical and Biological Applications) rassemble des chercheuses et des chercheurs visant à allier la théorie mathématique la plus rigoureuse possible à de nombreuses collaborations avec des biologistes et médecins sur des questions concrètes. Marie Doumic, responsable de l'équipe-projet, affirme :

Nous pensons que c'est la meilleure façon d'étudier des problèmes théoriques dont la pertinence en biologie est avérée, et ainsi de contribuer à faire progresser les deux sciences.

En collaboration avec d’autres équipes de recherche, Mamba développe des méthodes pour optimiser les thérapies médicamenteuses du cancer, et également pour modéliser la croissance tissulaire saine ou pathologique, c’est-à-dire sous un contrôle normal ou endommagé, dans des systèmes multiéchelles. 

Quelles sont les applications concrètes des recherches de Mamba ?

Le mouvement cellulaire et la croissance de populations de cellules est un thème central de Mamba qui a de multiples applications : croissance des bactéries ou cancer, contrôle physiologique ou réaction des cellules lors de stress ou d'action médicamenteuse. 

Un autre domaine d’application important est l’agrégation des protéines qui se produit dans les maladies dites "amyloïdes" (un groupe de maladies parmi lesquelles on peut citer les maladies d’Alzheimer, de Parkinson, de Creuzfeldt-Jakob ou encore de Huntington). 

L'équipe s'intéresse également à la médecine régénérative, en particulier Dirk Drasdo et son groupe autour de la régénération du foie après chirurgie ou à la suite de dommages induits par des médicaments 

Un autre thème de recherche de l'équipe, en plein essor, concerne l’épidémiologie mathématique. Initialement motivé par le contrôle de la dengue par différentes stratégies concernant les moustiques vecteurs, le sujet s’est élargi car plusieurs membres de l'équipe se sont investis sur la modélisation et le contrôle de la pandémie de Covid-19.

Des modèles mathématiques pour des expériences in silico sur ordinateur

L’étude des systèmes biologiques est particulièrement difficile de par la présence de nombreux agents, d’interactions, et différents niveaux d’organisation (échelle moléculaire, de l’organisme, des communautés). Afin de dégager les principaux acteurs d’une observable (par exemple la croissance d’une population tumorale en présence d’une drogue cytotoxique), l'équipe cherche à développer des environnements in silico, à l’aide de modèles mathématiques mettant en jeu un nombre réduit d’agents et d’interactions. Leurs études passent donc par la mise en équations des systèmes, la simulation et l’analyse des modèles mathématiques proposés, ainsi que leur confrontation aux données expérimentales. Diane Peurichard, chercheuse au sein de l'équipe-projet, nous souligne les enjeux :

Les modèles validés sur les données peuvent aussi avoir un caractère prédictif, permettant de réaliser des expériences in silico sur ordinateur, plus maniables que des expériences in vitro ou in vivo nécessitant un cadre expérimental coûteux en matériel et en temps.

Comprendre et prédire la formation de cellules cancéreuses

Diane nous précise également les contours des recherches de l'équipe :

Nous travaillons actuellement sur deux axes reliés au cancer, avec pour objectif de comprendre et d’identifier les mécanismes biologiques principalement responsables de la croissance tumorale et de l’apparition de résistances aux traitements. 

Luis Almeida et Diane Peurichard travaillent plus particulièrement sur deux types de cancers. Ils sont impliqués dans le programme national HTE Moglimaging (prenant fin en mars 2021) sur l’étude du glioblastome (GBM), la plus agressive des tumeurs cérébrales. Le but de ce projet est d’étudier l’hétérogénéité tumorale et la capacité de résistance aux traitements, avec pour objectif final la prédiction de la réponse du patient aux différents traitements administrés. Ils travaillent plus particulièrement en collaboration avec l’équipe de François Vallette du centre de recherche en cancérologie, université de Nantes, qui effectue les expériences in vitro et fournit les données expérimentales.

Leur axe de recherche au sein de ce projet global vise à développer des modèles mathématiques de type EDP (Équations aux dérivées partielles), permettant d’identifier les mécanismes principaux en jeu lors de la formation de structures cellulaires cancéreuses, leur maintien, et leur réponse à des stress extérieurs (traitement).

Dans le cadre du postdoctorat de Gissell Estrada Rodriguez, ils ont développé un modèle simple permettant de reproduire qualitativement les premières phases de développement des GBM cultivés in vitro. Les résultats de ce modèle suggèrent un nouveau mécanisme de réponse des cellules GBM à un traitement de type mécano-transduction (mécanisme par lesquels les cellules convertissent le stimulus mécanique en activité électrochimique), et ouvrent la voie à de nouvelles explorations expérimentales.

S'il est validé expérimentalement, ce mécanisme pourrait considérablement aider à la compréhension de l’auto-organisation spatiale des GBM et présenter des perspectives thérapeutiques intéressantes.

Identifier les mécanismes de résistance dans le mélanome 

Leur deuxième axe de recherche sur le cancer porte sur l’identification des mécanismes de l’acquisition de persistance et de résistance aux traitements dans le mélanome (tumeur maligne de la peau). En collaboration avec Shensi Shen (institut de recherche sur le cancer Gustave Roussy), ils développent un modèle de type agent-centré, visant à décrire les mécanismes de traduction de protéines impliquées dans le développement de persistance et de résistance aux traitements.

Par confrontation avec les données expérimentales in vitro et in vivo, nous cherchons à développer un modèle rendant compte des différents phénotypes** cellulaires observés (cellules prolifératives, quiescentes, résistantes), à travers des mécanismes intracellulaires simples, dans l’espoir d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques

Inria et l'institut Gustave Roussy : une collaboration étroite

L'équipe-projet Mamba (Inria de Paris) travaille en partenariat avec l'institut Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer en Europe, afin d'étudier les mécanismes de résistance aux traitements des cellules cancéreuses. La collaboration entre les deux instituts s'est renforcée à l'occasion de la création d'un projet Mission CovidScanCovid IA, avec l'équipe-projet Opis (Inria de Saclay). Le projet permet aux personnels de santé, à travers l’analyse combinée de nos données de santé, de mieux prédire et d’affiner la sévérité de l’atteinte au virus. 

Découvrir le projet

* Mamba est une équipe commune Inria et Sorbonne Université

** Phénotype : ensemble des traits observables d’un organisme