Partenariats industriels

Des simulations au service de la sûreté des centrales nucléaires

Date:
Mis à jour le 17/05/2023
Le nouveau projet de recherche HIPOTHEC est mené conjointement par des chercheurs de la R&D d'EDF et de l'équipe-projet Rapsodi du Centre Inria de l'Université de Lille. Son champ d’action ? Il s'intéresse à la simulation numérique des tubes en métal des générateurs de vapeur utilisés dans les centrales nucléaires, et à la modélisation visant à s’assurer de leur intégrité.
centrale nucléaire
Burghard-Morhren

Partenariat de recherche avec EDF

Vérifier l'intégrité des matériaux, ou des structures, sans les détériorer. C'est l'objectif des procédures de contrôle non-destructif (CND) utilisées par les industriels pour vérifier la fiabilité des équipements les plus critiques pour leurs activités. C'est aussi le but du nouveau projet HIPOTHEC, auquel participent deux chercheurs de la R&D d'EDF et deux chercheurs de l'équipe-projet Rapsodi du Centre Inria de l'Université de Lille – commune à Inria, à l’Université de Lille et au CNRS.

« Nos recherches portent sur le contrôle non-destructif des tubes en métal des générateurs de vapeur, comme on en trouve au sein du circuit primaire des centrales nucléaires », précise Simon Lemaire, chargé de recherche depuis 2018 au sein de cette équipe-projet spécialisée dans la simulation numérique des phénomènes dissipatifs (écoulements en milieux poreux, corrosion...).« Avec HIPOTHEC, nous nous attachons à développer de nouvelles méthodes numériques pour simuler des phénomènes électromagnétiques. »

Depuis mi-2022, le consortium de recherche est soutenu par l'Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre du plan France Relance. Il a ainsi pu financer un premier postdoctorat, pour une durée de deux ans, et a été rejoint par le chercheur italien Silvano Pitassi, en octobre 2022. Un autre financement de type PRCE (projet de recherche collaborative entreprise) – réservé à des projets conduits avec au moins une entreprise menant des travaux de recherche et développement en France ­– est en cours d'examen par l'ANR. Si cette aide était obtenue, elle permettrait à Rapsodi et EDF de financer durant cinq ans, au sein d'un consortium élargi, deux thèses et deux postdoctorats supplémentaires.

Courants de Foucault et maillages polyédriques

Le projet HIPOTHEC (HIgh-order POlyhedral meTHods for Eddy Current testing simulations) s’intéresse à la simulation du contrôle non-destructif par courants de Foucault (eddy current testing). Il s'agit, avec le CND par ultrasons, de l'une des deux grandes techniques utilisées par EDF pour « faire passer des échographies aux aciers », explique Jérémy Dalphin, ingénieur de recherche au sein du département ERMES (Electrotechnique et mécanique des structures) d'EDF R&D.

Le principe du contrôle non-destructif par courants de Foucault ? « Nous approchons du tube en métal une sonde induisant des courants de Foucault (induction électromagnétique) », détaille Jérémy Dalphin. « Cela génère des champs électromagnétiques, qui sont perturbés lorsqu'il y a des irrégularités (des éléments nécessitant des investigations complémentaires). Nous mesurons ces perturbations afin de pouvoir caractériser les anomalies. »

Pour pouvoir simuler un problème physique par ordinateur, « il faut au préalable le discrétiser, c’est-à-dire le découper », précise Simon Lemaire. En pratique, le domaine de calcul est divisé en petits morceaux, qui forment ce que l’on appelle un maillage. Les méthodes numériques étudiées dans le projet HIPOTHEC sont des méthodes polyédriques (polyhedral methods), pouvant naturellement accommoder des mailles de formes géométriques très générales. Cette souplesse géométrique simplifie grandement le pavage du domaine de calcul, permettant d’envisager la modélisation de défauts complexes en son sein. « Il est également plus aisé, dans le contexte polyédrique, d’augmenter la résolution de manière très locale sur les portions de tuyaux où des anomalies ont été constatées », souligne Jérémy Dalphin.

Autre caractéristique des méthodes numériques étudiées dans le cadre du projet HIPOTHEC : il s'agit de méthodes très précises, d'ordre élevé (high-order). « Ces méthodes d'ordre élevé offrent la possibilité d'augmenter la précision d’une simulation à maillage donné », relève Jean-Pierre Ducreux, ingénieur de recherche du département ERMES d'EDF R&D, qui contribue au développement et à la validation de méthodes numériques innovantes pour l’étude du matériel électrique.

équipe rapsodi simulation
simulation équipe rapsodi

Intégration industrielle

Le contrôle non-destructif revêt un intérêt stratégique pour le groupe EDF. Pour l'heure, le code de calcul que celui-ci utilise pour la simulation du CND par courants de Foucault peut encore être amélioré sur deux aspects : la précision des méthodes numériques et la flexibilité géométrique des maillages admissibles. « Le but du projet HIPOTHEC est de vérifier si les nouvelles méthodes de simulation numérique développées pourraient à l'avenir être intégrées dans les codes industriels employés par EDF pour le contrôle non-destructif des tubes en acier », souligne Simon Lemaire.

Dans un premier temps, un code de calcul prototype (hors circuit industriel) sera mis au point. Pour cela, les chercheurs d’EDF apporteront leur expertise sur des cas métier concrets et représentatifs – et sur la validation des méthodes sur ces domaines d'application précis –, tandis que ceux de Rapsodi se concentreront sur la conception des algorithmes et leur analyse mathématique. Le simulateur nécessitera ensuite de très nombreux tests, avant de pouvoir être éventuellement validé et certifié pour une utilisation industrielle par le groupe EDF.

« Le département ERMES de la R&D d'EDF maintient des compétences de premier plan dans le domaine de la modélisation en électrotechnique. HIPOTHEC s’inscrit dans cet objectif : les maillages polyédriques offrent une réponse innovante aux problématiques à fort enjeu du contrôle non-destructif par courants de Foucault des tubes en métal des générateurs de vapeur de centrales nucléaires. »

Jean-Pierre Ducreux, ingénieur de recherche au sein du département ERMES (Electrotechnique et mécanique des structures) d'EDF R&D

 

« Une partie de mes recherches portent sur le contrôle non-destructif. Avec le projet HIPOTHEC, nous espérons proposer de nouvelles méthodes de simulation numérique pour les phénomènes électromagnétiques. Ces méthodes devraient faciliter le contrôle non-destructif des tubes en acier. Nous espérons également parvenir à modéliser avec plus de précision les fissures de forme complexe. »

Jérémy Dalphin, ingénieur de recherche au sein du département ERMES d'EDF R&D