Communication / Événement

Inria investit PariSanté Campus avec une première équipe de recherche pluridisciplinaire

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Mis à jour le 16/08/2022
Créé en décembre 2020 pour renforcer la recherche et l'innovation en santé numérique, PariSanté Campus est inauguré ce mardi 14 décembre. Membre fondateur aux côtés de l’Inserm, de PSL, du Health Data Hub et de l’Agence du Numérique en Santé, Inria s’y installe avec l’équipe-projet HeKA, également commune à l’Inserm et Université de Paris.
Portraits de Sarah Zohar et Adrien Coulet
© Inria / Photo L. Moreno

 

Sarah Zohar, directrice de recherche Inserm et Adrien Coulet chargé de recherche Inria, tous deux membres de l’équipe-projet HeKA ("Découverte de connaissances biomédicales guidée par les modèles et les données de santé") investissent ce lieu consacré à l’e-santé de demain. Ils nous expliquent la vocation de leur équipe et son organisation pluridisciplinaire, emblématique à la fois de l’ambition d’Inria en e-santé et de la dynamique de PariSanté Campus.

Comment l’équipe-projet HeKA est-elle née ?

Adrien Coulet : Inria et l’Inserm ont lancé en 2019 un appel à manifestation d’intérêt pour créer des équipes de recherche communes. Nous avons alors saisi cette opportunité pour consolider notre projet de recherche. Auparavant, lorsque j’étais maître de conférences à l’université de Lorraine et membre de l’équipe-projet Orpailleur, j’ai mené des travaux en fouille de données biomédicales avec l’équipe d’Anita Burgun dans le cadre du projet ANR PractikPharma. C’est ainsi que nous avons entamé notre collaboration. La volonté partagée d’Inria et de l’Inserm de soutenir une recherche de pointe, à l’interface du numérique et de la médecine, nous permet d’aller encore plus loin avec HeKA.

Sarah Zohar : Oui, HeKA est née d’une belle opportunité.  J’étais auparavant directrice adjointe de l’équipe d’Anita Burgun au Centre de recherche des Cordeliers (Inserm, Université de Paris). Encouragés par différents interlocuteurs d’Inria, de l’Inserm, de l’institut Prairie, nous avons saisi la dynamique de l’appel à manifestation d’intérêt. Pendant un an nous avons travaillé à distance à cause des restrictions sanitaires, en groupes de travail, pour consolider notre projet autour de trois grands axes de recherche : représentation des patients, modélisation de la trajectoire de soins des patients et méthodes pour les essais cliniques du futur. Nous avons rendu notre projet en mai 2020 et il a été accepté.

Quelle est la vocation de votre équipe de recherche ?

S. Z. : Nous développons des méthodes, des modèles et des outils qui ont une finalité commune : améliorer la santé et la prise en charge du patient. Ce qui motive nos travaux c’est de répondre à des questions du type : "Comment aider au diagnostic et au pronostic ?" "Comment mieux prendre en compte la temporalité dans la modélisation multisource et multiéchelle des données de soins ?" "Comment donner accès à des molécules innovantes de la manière la plus précoce possible ?" Pour cela nous travaillons par exemple sur des designs et méthodes innovants pour enrichir des essais cliniques avec des données de soins et des connaissances scientifiques.

Notre recherche est très appliquée. Notre spécificité est d’être une équipe pluridisciplinaire qui rassemble des experts en informatique médicale, biostatistiques, mathématiques appliquées, des cliniciens (dont des pédiatres) et des pharmaciens. La moitié des permanents sont des chercheurs hospitalo-universitaires associés à l’AP-HP. Certains sont en charge d’entrepôts hospitaliers de données et connaissent pour cela très bien leur contenu et leur utilisation.

Nous avons la chance de pouvoir travailler avec des experts des maladies rares en pédiatrie de l’hôpital Necker et des experts du cancer de l’hôpital Georges Pompidou. Grâce à ces interactions nous pouvons produire des modèles qui sont interprétables cliniquement. Car si le résultat n’est pas interprétable cliniquement, cela ne sera bénéfique ni aux praticiens ni aux patients.

A. C. : Nous visons la production d’outils pour les soignants mais aussi pour les patients. Il y a une grande mouvance pour que les patients soient plus impliqués. Les patients sont en droit d’accéder aux données de leurs dossiers médicaux. On peut imaginer des projets dans lesquels en plus d’accéder à leurs données, les patients puissent avoir accès aux options de décisions que les médecins ont les concernant, et dans certains cas participer à cette prise de décision. Cela s’appelle la décision médicale partagée.

S. Z. : Oui, nous visons aussi une éducation thérapeutique, avec des outils de décision partagée utilisables conjointement par les patients et leur praticien pour leur apporter de l’information scientifique pertinente. Pour cela, nous travaillons avec des équipes de sciences humaines et sociales dont ECEVE (Epidémiologie clinique et évaluation économique appliquées aux populations vulnérables) à l’hôpital Robert Debré.

Que représente pour vous votre participation à PariSanté Campus ?

S. Z. : C’est une énorme chance, PariSanté Campus ! C’est un projet très enthousiasmant et "challengeant" qui offre une unité de lieu, centré sur la santé numérique. Sans doute l’opportunité d’un nouveau type de recherche pour nous car nous serons moins éparpillés.

Nous partagerons notamment la moitié de l’étage où nous serons installés avec des startups. Nous pourrons facilement échanger. Des personnels de l’équipe pourront sans doute plus facilement se rendre compte que leurs compétences peuvent être valorisées.

Je crois beaucoup en la dynamique de l’unité de lieu. J’ai entamé beaucoup de collaborations à la machine à café ! Nous allons croiser beaucoup d’expertises, des entrepreneurs, des associations de patients… Petit à petit des projets communs vont émerger.

A. C. : Nos collègues hospitalo-universitaires nous rejoindront plusieurs journées par semaine à PariSanté Campus. Ils sont enthousiastes à l’idée d’avoir un lieu consacré à leur activité de recherche et à l’équipe car ils sont très investis, non seulement en recherche mais aussi en encadrement de thèses.

Le site va nous offrir des interactions intéressantes. PariSanté Campus va accueillir des entreprises. Or nous sommes nombreux à avoir des relations avec des industriels, que ce soient des collègues impliqués dans des startups, ou dans le cadre de thèses CIFRE.

Nous serons aussi à côté d’organisations nationales de gestion de données de santé comme le Health Data Hub. En complément de nos projets qui valorisent des données hospitalières, nous avons eu et soumettons des projets avec les données médico-administratives nationales (assurance maladie et autres) qui sont accessibles via le Health Data Hub.

Quelle ambition avez-vous à l'horizon de cinq ou dix ans ?

A. C. : Nous utilisons des données de santé pour développer des méthodes et des outils d’aide à la décision clinique. J’espère que dans cinq ans j’aurai participé au développement d’un outil suffisamment intéressant pour que son utilité soit testée en conditions réelles dans le cadre d’un essai clinique, pour qu’il soit ensuite utilisé par les médecins. 

Nous profitons d’un contexte assez inédit pour des chercheurs. Je mesure notre chance car notre discipline est portée par une vraie volonté institutionnelle. Nos tutelles sont convaincues de l’importance de nos recherches et sont plus enclines à nous donner des moyens, à recruter des doctorants ou des ingénieurs.

S. Z. : À l’échelle de l’équipe, j’espère garder la même dynamique insufflée par PariSanté Campus. Depuis notre création, nous avons des projets différents s’intéressant à des maladies différentes. Nous sommes en mesure de répondre ensemble à des appels à projet de manière transversale sur des indications et maladies multiples en proposant des approches basées sur de l’intelligence artificielle, des statistiques et des mathématiques appliquées. Il faut que ça continue, pour être à la mesure de l’ambition donnée !

Les lignes bougent. L’interdisciplinarité est très bien pour monter des projets. Mais à l’échelle individuelle c’est plus compliqué. C’est parfois complexe pour être dans la bonne commission d’évaluation ! J’espère que dans cinq ans, on aura davantage de chercheurs Inria et Inserm dans ces frontières-là.