Robotique

TIRREX : un accélérateur pour la recherche française en robotique

Date:
Mis à jour le 20/12/2024
Avec le projet TIRREX, une vingtaine de laboratoires de robotique – dont trois d’Inria – partagent leurs équipements de recherche et leurs logiciels, pour développer des robots plus rapides et plus précis destinés à de multiples secteurs applicatifs : chirurgie, logistique, industrie, construction, etc. Ensemble, ces partenaires préparent la robotique de demain, des robots humanoïdes à la robotique XXL en passant par leurs jumeaux numériques.
© Inria / Photo H.Raguet

Tout partager à travers une infrastructure ouverte

« TIRREX, c’est une sorte de réacteur pour la recherche en robotique. Il fournit à des équipes aux compétences complémentaires un cadre, une feuille de route et des moyens financiers pour mieux se connaître, collaborer davantage et développer les robots de demain. C’est extrêmement motivant. » Hugo Talbot, ingénieur de recherche chez Inria et impliqué sur l’une des plateformes de TIRREX, ne cache pas son enthousiasme pour ce projet lancé en 2021. 

Son aspect le plus novateur ? « Sans doute l’infrastructure ouverte: TIRREX permet à chaque partenaire de mettre à la disposition des autres ses équipements robotiques de pointe et ses logiciels, explique Hugo Talbot. Ainsi, même si nous sommes répartis sur tout le territoire, nous travaillons vraiment ensemble ». Ce décloisonnement est à la hauteur des enjeux de la robotique de demain, qui nécessite des expertises en mécanique, électronique, interfaces homme-machine, développement logiciel, IA, etc. Aucun laboratoire ne peut avoir toutes les cartes en main : la collaboration et l’infrastructure ouverte s’imposent

Vers des solutions communes à de nombreux robots

De plus, les pionniers du domaine ont fait leurs armes sur des applications très restreintes : robots lunaires, exosquelettes pour l’industrie… Leur expertise est poussée, mais trop spécifique pour être réemployée dans d’autres secteurs. Très innovant, TIRREX permet d’engager une dynamique de recherche collective.

« Pour la partie logicielle par exemple, le Graal serait de mettre au point des solutions très génériques, utilisables quelle que soit la nature du robot, au lieu de réinventer la roue à chaque fois, explique Hugo Talbot. C’est pourquoi nous construisons des socles technologiques à l’état de l’art et ouverts. Ainsi, il devient possible de créer de nouveaux robots plus rapides, plus réactifs, plus précis dans leurs mouvements, plus habiles en préhension et en manipulation d’objets.»

Les applications : chirurgie, aéronautique, aide aux personnes âgées…

Ces avancées visent en particulier le secteur médical, qui rêve de prothèses plus « intelligentes » ou de robots chirurgicaux miniaturisés pour différents types d’interventions. Mais aussi l’industrie (aéronautique, agroalimentaire, logistique, inspection de sites dangereux…), qui voudrait des robots à l’aise dans leur environnement, capables de choisir la meilleure trajectoire pour se déplacer, de toucher et d’attraper des objets, de se déformer pour atteindre des zones difficiles d’accès, de saisir avec doigté des produits coûteux ou des fruits mûrs…   

Parmi les autres domaines ciblés : la robotique qui « augmente » l’homme, à travers les robots humanoïdes, par exemple pour assister les personnes âgées, les cobots pour aider des opérateurs industriels, ou encore les exosquelettes pour faciliter des gestes pénibles ou répétitifs… 

Verbatim

TIRREX a été lancé en 2021 et les premières collaborations avec des entreprises ont commencé. À en juger par leur intérêt pour nos événements et nos consortiums logiciels libres (SOFA, Maestro), on ne devrait pas tarder à voir les premières voies de valorisation des travaux de recherche.

Auteur

Hugo Talbot

Élaborer des robots de taille XXL, une innovation française

Un exemple : la plateforme Robotique XXL, implantée à Nantes, a attiré dès son lancement en 2021 Bouygues Construction, Eiffage et Airbus. Comme son nom le suggère, elle élabore des robots bien plus grands que ceux d’aujourd’hui, par exemple pour assembler des charges lourdes avec un bras manipulateur de plusieurs mètres, poncer les surfaces d’une carlingue d’avion ou imprimer en 3D des bâtiments.

En quoi consiste la contribution d’Inria dans ce domaine ? « Nous mettons à disposition notre plateforme de simulation open source SOFA, pour modéliser des prototypes et évaluer leur faisabilité et leur utilité », précise l’ingénieur de recherche. 

Comment la recherche repousse les limites de la robotique

Mieux concevoir les robots grâce à leur jumeau numérique

Autre exemple de l’implication d’Inria dans TIRREX : la création du jumeau numérique d’un robot chirurgical souple dédié à des interventions par endoscopie. Conçu au sein de l’équipe CNRS ICube à Strasbourg, ce robot est équipé à son extrémité de pinces spéciales pour effectuer des gestes opératoires de haute finesse. 

Verbatim

Ce jumeau numérique est une avancée pour nos collègues. Il leur sert à comparer plusieurs options de conception, ou à tester en virtuel différents types de pinces, plus vite et à moindre coût qu’avec des essais réels.

Auteur

Hugo Talbot

Les jumeaux numériques de robots permettent également aux chercheurs en informatique de TIRREX d’améliorer et de valider leurs algorithmes et leurs règles de commande : les mouvements, les déplacements, la précision et les comportements attendus sont-ils bien au rendez-vous ? Quelle est la meilleure solution pour atteindre les performances voulues ?

Ces jumeaux numériques peuvent aussi être connectés à une intelligence artificielle pour apprendre de multiples scénarios d’utilisation et optimiser les caractéristiques idéales du robot à créer. La conception est bien plus approfondie qu’avec des tests en grandeur réelle.

Trois équipes Inria musclent leurs outils de simulation

TIRREX  permet aussi à trois équipes Inria (Rainbow à Rennes, Defrost à Lille, Willow à Paris) qui développent des solutions logicielles pour la robotique de les coupler, de les améliorer et ainsi de les amener plus loin. VISPSOFA et Pinocchio sont dédiés respectivement à l’asservissement visuel, à la simulation de corps déformables et à celle d’éléments rigides articulés. Ensemble, ces logiciels pourront devenir un outil transverse en robotique.

Pour SOFA, il est également prévu de financer grâce à TIRREX l’intervention de consultants spécialisés en interfaces graphiques. Objectif : développer une interface intuitive et optimale pour un public de roboticiens. 

Verbatim

Elle doit s’inspirer du vocabulaire, de la logique, des étapes de raisonnement des utilisateurs. Sinon, malgré tout leur potentiel, nos logiciels n’auront pas l’impact attendu.

Auteur

Hugo Talbot

L’équipe SOFA a fourni une liste de roboticiens que les consultants interrogeront pour sonder leurs besoins. Ainsi, ce public-test découvrira l’outil, avec sans doute l’envie de l’adopter et de l’améliorer. Voilà comment TIRREX élargit peu à peu la communauté française de robotique, et l’alimente en moyens toujours plus performants.